The thing – Albert Monis / Ado Arrietta
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Albert Monis – Ado Arrietta: The thing
Description

The thing · E. Vila-Matas
Me escribió Albert Monis y me dijo que Arrietta y él se sentirían honrados y contentos y dibujados y fotografiados si escribiera algo al principio de este libro que contenía un universo de imágenes que seguro que estaba en perfecta conexión con mi mundo. Llevaba un documento adjunto con la obra que debía prologar. Y yo pensé: voy a mirar esas imágenes, pero algo que va con Arrietta dentro no es ni necesario que lo vea, seguro que tiene relación con mi propio universo. Aún así, miré lo adjunto; “la cosa”, empecé a llamarlo; poco después, pasó a ser “the thing”.
The thing por aquí y the thing por allá. Me acordaba de “la cosa” cada vez que volvía al ordenador y volvía a entrar en lo adjunto y me veía a mí formando parte de algún modo del libro de Monis y de Arrieta y siendo una cosa más de the thing, aquello que me había llegado adjunto y no sabía de dónde, ni importaba, puesto que el lugar del que viniera no podía cambiar ni un milímetro lo que yo había visto ya y sobre lo que ya había emitido un juicio jubiloso.
Mira —decidí decirle a the thing—, carezco de imagen, tú la tienes y yo no, yo soy sólo pluma y papel, pero lo que escribo refleja el rastro que deja el instante, es dibujo, es fotografía, fue cosa y un día, ahora mismo, será arte.
Dicho esto, me quedé inquieto, reflejando sólo la cara del instante.
Mira —decidí seguir diciéndole a the thing— lo que oyes no está pensado para ser leído, pues, para empezar, quizás no sea exacto decir que está escrito, más bien se ha creado para ser mirado y escuchado, para ser fotografiado y dibujado.
Mira, mírame, fantasma errante en salas de recuerdos, solitario y extraño entre otros extraños, nómada estático en el lugar donde me ves, no puedo asegurar que mis palabras sean arte sobre algo, es decir, arte sobre esto y aquello, arte discursivo, sino el arte en sí, la cosa, the thing, vamos. De eso se trata. Pasa página ya. La puerta que da al mundo está abierta.

Albert Monis m’a écrit et m’a dit qu’Arrietta et lui se sentiraient honorés, contents, dessinés et photographiés si j’écrivais quelque chose au début de ce livre qui contenait un univers d’images parfaitement connecté avec le mien. Il y avait dans ce courrier une pièce jointe avec l’œuvre dont je devais écrire le prologue. Et j’ai pensé: je vais regarder ces images, mais une chose qui porte en elle quelque chose d’Arrietta, il n’est même pas nécessaire que je la voie: elle a une relation avec mon propre univers, c’est sûr. Ceci étant dit, j’ai regardé cette pièce; “la chose”, ai-je commencé à l’appeler; et puis quelque temps après, elle est devenue “the thing”.
The thing par ici et the thing par là. Je me souvenais de “la chose” chaque fois que je retournais sur l’ordinateur, que je rentrais à nouveau dans le fichier et me voyais moi-même faisant partie d’une certaine manière du livre de Monis et d’Arrietta; j’étais une chose de plus de the thing, de cette chose même qui m’était arrivée en pièce jointe je ne savais d’où; quelle importance d’ailleurs puisque le lieu d’où elle venait ne pouvait changer d’un millimètre ce que j’y avais déjà vu et sur quoi j’avais déjà porté un jugement jubilatoire.
Voyons —décidai-je de dire à the thing—, je n’ai pas d’image, toi tu en as une et moi pas; je ne suis que plume et papier, mais ce que j’écris reflète la trace laissée par l’instant, c’est un dessin, une photographie, une chose qui a été et qui un jour, à cet instant même, sera de l’art.
Pourtant, j’étais inquiet car ce reflet ne renvoyait qu’un visage de l’instant.
Voyons —décidai-je de continuer à dire à the thing—, ce que tu entends n’a pas été pensé pour être lu puisque, pour commencer, il n’est sans doute pas exact de dire que c’est écrit, mais plutôt que cela a été créé pour être regardé et écouté, pour être photographié et dessiné.
Regarde, regarde-moi, fantôme errant dans les salons des souvenirs, solitaire et étranger parmi d’autres étrangers, nomade statique au lieu où tu me vois, je ne puis assurer que mes mots soient de l’art sur quelque chose, autrement dit, de l’art sur ceci où sur cela, art discursif ou art en soi, la chose, the thing, pour tout dire. C’est de cela même qu’il s’agit. Tourne donc la page. La porte qui donne sur le monde est ouverte.
Note de l’éditeur Florent Fajole
L’ombre et la condensation,
Deux auteurs, Albert Monis et Adolpho Arrietta; mais l’œuvre est totalement une.
Les photographies de l’un et l’intervention graphique de l’autre.
Il y a d’abord des photographies. Des scènes de plages qu’Albert Monis a ensuite recadrées puis modifiées pour faire saillir les quelques germes qu’il aura voulu confier à Adolpho Arrietta.
Dans la première série, les ombres expriment autre chose que les personnes dont elles sont les projections. Elles acquièrent ainsi un véritable statut de sujet ; mais elles ne peuvent malgré tout s’abstraire de leurs liens de causalité. L’ombre et la personne se livrent donc l’une à l’autre, solitaires ou en collectivité. Si la seconde se révèle dans sa mise en scène, la première ne le peut que dans la forme que prend sa silhouette. Pas d’accoutrement susceptible d’indiquer ni d’expressions sur le visage. La forme de l’ombre est introspective et pourtant elle manifeste une attitude. De qui ou de quoi est-elle l’introspection ? D’elle-même, peut-être, si on lui prête vie suffisamment, de la personne dont elle émane si on n’oublie pas qu’elle en est justement une projection. Se dessine alors cette relation du double que connaissent bien les sciences humaines. Qui n’a jamais senti l’effroi de voir sa propre ombre aller plus vite ou plus lentement que soi ? Il y a quelque chose de dramatique dans le simple fait de perdre de vue son ombre. Qu’elle se tienne en retrait ou qu’elle prenne la poudre d’escampette sous l’effet combiné de la source lumineuse et de notre propre déplacement, nous avons tout simplement le sentiment qu’une partie de nous-mêmes s’échappe et que nous pouvons la perdre à tout jamais. Ce que disent les images d’Albert Monis, c’est précisément toute cette part de profonde intériorité qui ne s’exprime qu’au moment où nous sommes sur le point de la perdre : l’ombre qui dit autre chose de nous, sans doute la plus personnelle.
Il est saisissant d’observer combien Adolpho Arrietta s’est approprié cette relation.
Par les liens qu’elle établit dans chacune des images, son intervention trace des lignes de partage, pour associer ou pour distinguer. Elle problématise et, de ce fait, organise et structure. Il s’agit d’un acte éditorial, au sens où l’entend la langue anglaise, qui donne toute la mesure de la lecture comme acte critique et comme dispositif, sous la forme de la série et du montage. En d’autres termes, c’est un acte de création et de transformation qui interroge le principe même de l’écriture par l’image.
L’intervention souligne ainsi l’ancrage des images et en explore les possibles.
Il en résulte une longue phrase visuelle qui se cristallise par instants, s’installe pour ralentir le regard et l’inciter à prendre quelque chose, puis repart ou à l’inverse demeure pour insister sur l’assise et inciser définitivement notre perception.
Il n’en va pas autrement dans la seconde série, où cette fois le personnage dessine une verticale en contrepoint de la ligne d’horizon nécessaire à l’établissement d’un point de vue cardinal. L’être humain devient ainsi l’un des éléments par lesquels nous accédons à une expérience spatio-temporelle. Là encore, ce n’est pas notre perspective de carcan, comme dirait Henri Michaux, qui distribue les lignes de partage ; mais selon la vision de l’esprit que s’organisent les différents plans intérieurs de la perception.
Mais il y a plus… Dans les rapports hypertéliques que les êtres vivants entretiennent parfois avec leur environnement, et que bien des écrivains ont exploré, il y a un supplément qui se donne en un point de condensation par lequel l’individu échappe à la fatalité de la divergence des caractères.
Signifié ici par la jonction des points cardinaux, à l’endroit précis où l’être humain entre en excroissance, cette solidarité entre le plan et la forme, unifie le lointain et le proche, l’intérieur et l’extérieur. Elle est comparable à ces regards de l’enfant qui, denses de tout ce qui leur échappe, renoncent temporairement ou durablement à vendre l’étendue pour le repérage.
Gageons qu’il subsiste un peu de jeu pour certains privilégiés pour reprendre les mots par lesquels Roger Caillois concluait l’un de ses nombreux textes sur le mimétisme.
Florent Fajole, éditeur
– Dimensions: Ouvrage à l’italienne 13 cm de haut x 18 cm de large
– Poids: 180 grammes
– Nombre de pages: 40 pages intérieures imprimées en quadrichromie
– Qualité: papier haut de gamme Gardapat 13 Kiara. Couverture avec texte en sérigraphie blanche
Edition limitée à 300 exemplaires
Les Editions de la Mangrove, Nîmes et Paris
ISBN 979-10-90202-14-6
Avec le soutien du fonds de dotation agnès b. : www.fondsagnesb.co/2017/01/16/the-thing/
Distribué également chez RE:VOIR : re-voir.com/shop/fr/livres/837-the-thing
Additional information
Weight | 0.180 kg |
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Dimensions | 13 × 18 cm |